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Les femmes ne sont plus dans leur bulle

Avec un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros en 2017, le marché de la bande dessinée se porte très bien en France. Mais saviez-que les femmes ne représentent que 12% des auteurs de BD ? Elles sont cependant de plus en plus nombreuses à revendiquer leur place et celle de la femme dans la société en général.

« Pendant 35 ans, on était seulement 8. Là, on est plus de 250 dessinatrices ». L’autrice de BD Jeanne Puchol l’annonce sans détour : les femmes ne veulent plus jouer les seconds rôles dans ce secteur longtemps dominé par les hommes. Dès 2013, l’autrice Lisa Mandel lançait le « Collectif des créatrices de bandes-dessinées contre le sexisme ». Sa charte, signée par plus de 200 dessinatrices, demandait notamment aux libraires de ne plus séparer les BD signées par des femmes des BD masculines. « La bande dessinée féminine » n’est pas un genre narratif, édicte-t-elle. « L’aventure, la science-fiction, le polar, le romantisme, l’autobiographie, l’humour, l’historique, la tragédie sont des genres narratifs que les femmes auteures maîtrisent sans avoir à être renvoyées à leur sexe. »

Même le très prestigieux festival de BD d’Angoulême a fait face à une polémique, en 2016, avec une sélection exclusivement masculine. Depuis, on tend lentement vers une amélioration : depuis 2017, le festival a modifié son mode de scrutin en mettant en place la parité dans ses comités de sélection. Cependant, selon l’Association des critiques et journalistes de bande dessinée (ACBD), les femmes bédéistes ne représentent que 12 % alors qu’elles renouvellent incontestablement le genre et que, tenez-vous bien, 53 % des BD sont achetées par des femmes

« Les culottées »

Ces BD qui cartonnent ont à cœur de casser les clichés féminins et de changer les mentalités. Ainsi, les deux tomes de la BD des Culottées de Pénélope Bagieu se sont vendus à plus de 250 000 exemplaires. Ils ont également été traduits en neuf langues. D’abord publiés sur un blog hébergé par le journal Le Monde, les planches de l’autrice présentant des portraits de femmes extraordinaires ont conquis un large public. Grâce à un style simple mais qui fait réfléchir, les dessins de Pénélope ont inspiré bon nombre de femmes.

De son côté, l’autrice Emma a quitté son métier d’informaticienne pour s’occuper de son blog et ses dessins à plein temps, grâce au succès de ses publications sur le net. Les trois tomes de sa BD Un autre regard se vendent avec succès. A travers son coup de crayon, la bédéiste aborde des sujets chers aux femmes : la répartition du travail dans le couple, la maternité, la contraception… C’est grâce à ses illustrations sur la charge mentale qu’elle s’est fait connaître. Sa publication Facebook sur le sujet a été lue, likée et partagée des centaines de milliers de fois.

Sortie début 2018, la BD « Féministe. Récits militants sur la cause des femmes » aborde les inégalités de genre et propose quelques clés aux lecteurs pour qu’ils comprennent ce qu’est véritablement le féminisme. Mandatée par les éditions Vide Cocagne, Marie Gloris Bardiaux-Vaïente, membre du Collectif cité plus haut, a réuni autour d’elle seize autrices. Toutes ont à cœur de glorifier leur travail au même titre que celui des hommes. Les douze récits qui composent l’ouvrage abordent des sujets chers aux yeux des féministes et, plus largement, aux yeux des femmes (les clichés sexistes, le harcèlement de rue, le viol…).

Un contexte porteur

Si la BD féministe plaît tant aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle arrive dans une période où les lecteurs sont prêts à la recevoir. En effet, dans un contexte de la libération de la parole des femmes, la BD féministe prend tout son sens.

Un nouveau lectorat demandeur de ce genre de lecture est apparu et continue à grandir à mesure qu’éclatent sur les scandales sur les violences sexuelles ou les inégalités hommes-femmes. Le fait que de nombreuses planches soit massivement diffusées sur les réseaux sociaux, avant même leur publication, participe à amplifier ce mouvement d’émancipation.