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TNT : les petites chaînes qui montent

La rentrée des chaînes de télévision n’aura jamais été aussi chamboulée. Entre bouleversements managériaux, perte de vitesse des médias historiques et nouvelles stratégies éditoriales, le paysage audiovisuel français se recompose autour des « petites » chaînes de la TNT. Une stratégie d’avenir ?

Personne n’a pu passer à côté de la hausse d’audience des petites chaines de la TNT. Cet été, leur audience s’est vu grimper et TMC a pris la place de leader des chaînes de la TNT en novembre 2016 avec 3,5%. Et elles ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. L’objectif du groupe TFI est de faire perdurer cette dynamique pour atteindre les 10% d’audience auprès des ménagères de moins de 50 ans (contre 8,5% en 2015) pour toutes ses chaines présentes sur la TNT. Du côté du groupe Canal Plus, C8 se lance carrément le défi de « jouer dans la même cour » que le géant M6 en visant le 8 à 10% d’audience (elle en était à 3,4% en 2015…).

Ceci n’est pas un simple hasard. Cet appétit des petites chaînes tient à la nouvelle stratégie de leurs maisons mères qui souhaitent rénover leur organisation, leur positionnement et, par conséquent, leur grille de programmes, en leur offrant en corollaire un budget plus conséquent. D’après le Figaro, le budget de TMC vient de connaître une augmentation de 20 millions d’euros (soit au total 80 millions en 2016).

Nouvelle donne managériale

Cette nouvelle ambition correspond à un véritable bouleversement dans le management des médias audiovisuels. Chez TF1, Gilles Pélisson et son nouveau numéro deux ont repris la présidence de la chaîne, Delphine Ernotte celle de France Télévision tandis que Vincent Bolloré a procédé à de vastes remaniements dans la gouvernance de Canal +.

 

Leur mission, et non des moindres : rénover en profondeur le paysage audiovisuel marqué par un éclatement de l’offre (la TNT compte déjà 26 chaînes) et s’imposer face à la concurrence de l’audiovisuel sur internet, qui prend une place de plus en plus importante. D’où la nécessité d’apporter une bouffée d’air frais.

Nouvelle identité

Pour le groupe Canal, cette stratégie passe d’abord par une uniformisation de ses chaînes de la TNT, pour mieux signifier leur attachement à leur grande soeur historique Canal + : D8 s’est mué en C8, D17 en CStar et la chaîne d’information i-Télé se transforme en CNews dans un contexte très chahuté (lire encadré).

Cette stratégie s’accompagne d’une modification des programmes de Canal +, avec une diminution des plages « en clair » pour favoriser les abonnements. « Il n’y pas une seule chaîne payante au monde qui ait des tranches en clair. Et pour nous ce n’est pas une obligation réglementaire » déclarait ainsi Vincent Bolloré, président du groupe, au journal « Les Échos ».

Reste que cette stratégie n’est pas définitivement arrêtée, des émissions ayant finalement refait leur apparition en clair après avoir été cryptées (Les Guignols, par exemple), certainement pour ne pas se priver de revenus publicitaires.  Certaines émissions ont également migré de Canal + vers la TNT, et notamment C8, accentuant son caractère généraliste (La Nouvelle édition, par exemple).

Nouveaux programmes

Mais Canal n’est pas le seul à vouloir muscler ses petites chaînes. Le groupe TF1 mise lui aussi sur cette stratégie pour gagner en part d’audience. La directrice générale de TMC, HD1 et NT1, Céline Nallet, a ainsi affirmé vouloir faire de TMC une chaîne « plus jeune, plus mixte, plus CSP + » en diffusant des films récents, des séries populaires et des spectacles d’humoristes célèbres. Mais l’événement le plus marquant n’est autre que l’arrivée de Yann Barthès avec son émission « Quotidien » reprenant tous les codes du « Petit Journal » sur Canal +. Ce dernier a d’ailleurs réalisé un record d’audience dans son émission fin novembre avec 1,46 millions de téléspectateurs, soit 5,9% de part d’audience.



Faire de TMC une chaîne « plus jeune, plus mixte, plus CSP + »

 

L’objectif fixé par Céline Nallet
Directrice générale de TMC, HD1, NT1



 

 

Pour NT1, c’est un tout autre positionnement qui a été choisi : la chaîne souhaite en effet attirer les jeunes en utilisant la célèbre télé-réalité Secret Story, ou même la série Grey’s Anatomy. Enfin pour HD1, la grille n’est pas bousculée mais améliorée avec une offre fictions plus importante. Dans une interview au Monde, Ara Aprikian, directeur des programmes du groupe TF1 a assuré que « la TNT ne cannibalise pas TF1 », mais permet au contraire d’attirer un public nouveau.

Nouvelle chaîne d’information

Autre grande nouveauté de la rentrée audiovisuelle, cette fois chez France Télévisions, l’arrivée d’une quatrième chaîne d’information en continu sur la TNT. Baptisée France Info et fondée en partenariat avec le groupe Radio France, cette nouvelle venue espère elle aussi creuser son sillon dans un paysage audiovisuel déjà bien étoffé.

D’après la présidente du groupe Delphine Ernotte, l’objectif n’est rien de moins que de « donner un nouveau souffle à la télévision publique ». Pour l’heure, cette chaîne, qui fait entendre une voix différente et mise beaucoup sur son articulation avec le web et les réseaux sociaux, affiche une part d’audience de 0,3% au mois d’octobre 2016, selon les chiffres de Médiamétrie. (lire à ce sujet la critique de Paul Mescus [nom article hyperlien: France Info]).

Lou Body Fillaudeau

I-télé, une grève record révélatrice d’un malaise

Le 17 octobre 2016, les journalistes d’I-télé ont posé leurs caméras et sont sortis dans la rue crier leur colère. Cette grève a été déclenchée par l’arrivée de Jean Marc Morandini sur la chaîne. Pour rappel, cet animateur controversé a été mis en examen pour « corruption de mineur aggravée ». Mais les raisons du malaise étaient bien plus profondes. Les journalistes, qui ont voté la reprise du travail mercredi 16 novembre, clôturant ainsi la plus longue grève jamais connue dans l’audiovisuel privé, se sont surtout mobilisés pour défendre leur indépendance. Ils ont notamment obtenu la rédaction d’une charte de déontologie pour se prémunir de toute ingérence des responsables de la chaîne dans leurs choix éditoriaux. Alors que la presse indépendante ne représente plus que 5% des médias français (tous les autres appartenant à de grands groupes industriels), ce combat n’est pas uniquement celui d’I-télé, mais d’une majorité des journalistes (lire le billet de Marie Le Péculier sur la presse indépendante [Faire Hyperlien]). Cette grève ne sera en tout cas pas sans conséquences sur l’avenir de la chaîne, avec plus de 85 départs annoncés fin novembre. Soit les deux tiers de ses effectifs.