Archives

Harcèlement de rue (2/2) : interview de Diariata N’Diaye, créatrice de l’application App-Elles

Appelles

« Pour sensibiliser les jeunes aux violences contre les femmes, il faut être dans leur téléphone »

Diariata N’Diaye  

 

Comment vous est venu l’idée de la création de l’application App-Elles ?

Je suis une artiste engagée contre les violences depuis une dizaine d’années : j’interviens en milieu scolaire avec un spectacle autour des violences faites aux femmes. L’idée est de parler de ce sujet de manière un peu moins conventionnelle et d’échanger avec le public, notamment autour d’un atelier d’écriture. Cette expérience m’a permis de faire 3 constats : Tout d’abord, la question des violences est très peu abordée, et quand elle l’est, cela n’intéresse pas les publics. Ensuite, de nombreux jeunes ont été témoins ou victimes de violences. Et enfin, lorsqu’ils en sont victimes, je suis souvent la première personne à qui ils en parlent et ils ne savent qu’il y a des structures qui peuvent les accompagner. D’où l’idée de l’application mobile App-Elles : faciliter la mise en relation entre ce public qui a des besoins et les structures qui peuvent y répondre. Nous sommes en 2017 et s’il y a un moyen de toucher ce jeune public, c’est d’être dans leur téléphone.

 

Les moyens de communication déployés par le gouvernement sur le thème des violences faites aux femmes est-il suffisant ?

Il y a de la bonne volonté mais ce que je critique, c’est que la jeunesse n’a jamais été une priorité dans ces campagnes. Et pourtant, on sait que les violences commencent tôt et que dans 81% des cas, les violences sexuelles ont commencé avant l’âge de 18 ans. Si l’on fait une campagne fourre-tout sans cibler un public en particulier, cela ne marchera pas. La jeunesse doit devenir une priorité : on ne connaît pas les chiffres des violences faites aux jeunes en France alors que nous sommes en 2017 ! Un rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes confirme ce que j’ai vu sur le terrain : le jeune public est hors radar et les associations ont du mal à accompagner ce public-là.

 

Y a-t-il une manière particulière de s’adresser aux jeunes ?

Bien sûr ! On ne peut pas s’adresser à un ado ou à un jeune de 15-20 ans comme avec un public plus âgé. Si l’on ne connait pas leur langage, c’est très compliqué de communiquer avec eux. On est en 2017 et il y a plein d’outils et de façons de faire. Les campagnes traditionnelles sont vieillottes et non représentatives de la jeunesse : la dernière campagne contre le harcèlement de rue mettait en scène un crocodile ! Qui s’identifie à un crocodile ? Il faut comprendre les jeunes, savoir comment ils se parlent entre eux pour utiliser les mêmes codes : l’outil numérique en fait partie.

 

Que pensez-vous des témoignages de recueil en ligne concernant le harcèlement sexiste (Paye ta schnek, Paye ta robe, Paye ta blouse) ?

C’est très conceptuel de parler de harcèlement de rue mais si toutes les personnes qui en sont victimes en témoignent, ça permet une vraie prise de conscience. Le fait de créer ces communautés où l’on peut s’extérioriser est primordial. Partager son expérience est vital : en parler, dénoncer le problème permettent de se rendre compte de son importance. D’autre part, ces plateformes prouvent que le phénomène existe dans tous les milieux et dans toutes les catégories sociales et professionnelles.

 

Pour aller plus loin :