Miroir, mon beau miroir…Si les réseaux en faisaient trop ?
Les plateformes de médias sociaux ont radicalement transformé les normes de beauté, incitant de plus en plus de jeunes à recourir à la chirurgie esthétique pour atteindre des idéaux souvent irréalistes.
Un nez fin, des seins volumineux, des fesses rebondies, un ventre plat et bien dessiné… cet idéal de beauté inonde les réseaux sociaux et encourage le recours à la chirurgie esthétique. Selon le congrès de chirurgie plastique de l’IMCAS en 2019, les 18-34 ans ont plus recours à des actes de chirurgie ou de médecine esthétique que les 50-60 ans, qui formaient jusqu’ici leur patientèle historique. Les actes les plus demandés passent de la rhinoplastie aux prothèses mammaires en silicone à la liposuccion ou encore aux greffes capillaires…
Des enquêtes ont révélé que beaucoup d’influenceurs ayant eu recourt à la chirurgie esthétique ont un fort impact dans cette quête permanente de beauté. A tel point que le gouvernement a jugé prioritaire d’interdire la promotion de la chirurgie esthétique sur les réseaux sociaux dans le cadre de son plan d’action pour réguler les activités des influenceurs en France. Cette loi a été votée en juin 2023.
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Il suffit qu’une de mes clientes influenceuses mette en avant une prestation pour que je reçoive une pluie de demandes via les réseaux sociaux.
Docteur Valérie Leduc, spécialiste en médecine esthétique
des femmes sont complexées par leur corps
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La dictature du selfie
Pour ressembler aux versions filtrées d’eux-mêmes, les patients réclament des lèvres plus charnues, des yeux plus grands, un nez plus fin, une peau lissée et des dents éclatantes de blancheur. Selon l’American Academy of Facial Plastic and Reconstructive Surgery, en 2017, 55% des chirurgiens ont rapporté avoir reçu des patients qui souhaitaient une intervention afin d’améliorer leur apparence sur les selfies, contre 42% un an plus tôt.
Il faut dire que les jeunes ont une vision très négative de leur corps. D’après un sondage IFOP réalisé en juin 2023 pour le magazine Marie Claire, 70% des femmes sont complexées par certaines parties de leurs corps. Ces chiffres grimpent à 84% chez les 15/17 ans et 83% chez les femmes de 30 à 39 ans.
Mécanismes de comparaison
D’après une étude récente de la fondation Jean Jaurès, 17% des jeunes déclarent que les photos vues sur les réseaux provoquent chez eux des complexes voire un sentiment d’infériorité tandis que près d’un jeune sur dix (9%) déclare ressentir de la jalousie. 6% répondent que cela leur inspire du mépris. Ces chiffres montrent également à quel point les réseaux sociaux changent notre perception de nous mêmes.
La psychiatre Barbara Jiotsa, à l’origine d’une thèse sur « L’influence des réseaux sociaux sur la perception de l’image corporelle et son implication dans les troubles du comportement alimentaire » met en garde contre ce fléau. « L’utilisation des réseaux sociaux est souvent associée à des mécanismes de comparaison aux images idéalisées qui y sont affichées », nous explique-t-elle. Dans son étude réalisée auprès de 1331 patients, elle a retrouvé « une association significative entre la fréquence de comparaison sur les réseaux sociaux et l’insatisfaction corporelle et la recherche de la minceur ».
Quelles solutions pour s’en prémunir ?
Ses travaux ont ainsi démontré qu’un réseau social comme Instagram pouvait jouer un effet accélérateur des troubles du comportement alimentaire. Pour s’en prémunir, les adolescents et jeunes adultes interrogés par la psychiatre délivrent les conseils suivants : être mieux accompagné sur l’utilisation des réseaux, être mieux sensibilisé aux risques de la recherche de la minceur à tout prix, passer moins de temps sur les réseaux, suivre des comptes qui prônent davantage des corps normalisés (ce qu’on appelle le « body positive »), supprimer les comptes qui font se sentir moins bien dans sa peau.
Autre solution avancée par une patiente de 16 ans : reculer l’âge d’accès aux réseaux sociaux, car « à l’adolescence, on est vulnérables, on est dans une phase de construction et de comparaison et on croit tout ce que l’on voit ».