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Twitch, nouveau terrain de jeu des politiques ?

Twitch, nouveau terrain de jeu des politiques ?

Parler politique en direct depuis son canapé, c’est peut-être le futur des débats électoraux. Encore faut-il apprendre à décoder Twitch. Tandis que la présidentielle de 2022 approche à grands pas, cette plateforme se révèle être un espace inattendu de réconciliation entre les jeunes et la politique, au point de concurrencer les médias traditionnels.

Stream, viewers, react, channels, emotes… Ces mots ne vous disent peut-être rien. Pourtant, il s’agit du jargon des producteurs de contenus sur Twitch, autrement appelés streamers. Cette plateforme ludique permet de chatter en direct avec d’autres spectateurs (viewers) pendant un live, et donc de réagir en direct au stream. Sur Twitch, le maître-mot est l’authenticité et les sujets de conversation tournent majoritairement autour des jeux vidéo. A tel point que toute autre thématique était bannie de cette plateforme avant 2017.

La chaîne Accropolis, devenue Jean Massiet, est l’une des premières à s’être lancée sur ce créneau pour rendre la politique accessible à tous. “Le projet d’Accropolis n’est pas de faire voter, mais bien de comprendre qu’on est concerné, et de raconter ce qu’il se passe dans la sphère politique, nous explique Sylvain Nocquard, chargé de communication dans un journal de débats politiques et ancien d’Accropolis, la chaîne française politique n°1. En bref, conscientiser les gens, faire de l’éducation populaire.”

 

Tomber le masque

A l’heure où la télévision est le média le plus utilisé pour façonner son image, Twitch se
dresse contre le règne du paraître. Ce qui est recherché par les viewers, c’est la sincérité… et si le ton sonne faux, c’est le bad buzz assuré. Pour assurer ses arrières, le politique utilisant Twitch doit “jouer le jeu” selon Sylvain Nocquard et laisser tomber son masque pour permettre au spectateur d’apercevoir l’humain derrière le personnage.

Et c’est cette authenticité que les politiques souhaitent renvoyer sur Twitch. Jean-Luc
Mélenchon, par exemple, manie de longue date les réseaux sociaux pour toucher un public jeune. Twitch ne déroge pas à cette règle. L’Insoumis a capté dès le premier live l’attention de plus de 20 000 viewers avec le titre accrocheur “Twitchons”. Il compte pour l’instant environ 70 500 followers. Mais Twitch n’a pas un impact similaire à sa chaîne YouTube suivie par 591 000 internautes.

Respecter les codes

Twitch n’est toutefois pas la panacée pour les politiques. Le stream de Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, en est un parfait exemple. L’émission appelée “Sans Filtre” a été lancée le 25 février 2021. Objectif : débattre de la politique du gouvernement. Le nombre de viewers était élevé mais les commentaires, eux, étaient acerbes. L’émission a été critiquée pour sa mise en scène qui a créé un gouffre avec les spectateurs, d’autant plus qu’aucun journaliste n’était présent.  

Il faut dire que Twitch est une plateforme extrêmement codifiée. La première norme sur Twitch, c’est la confiance qu’il y a entre le streamer et les spectateurs, et cette confiance ne peut advenir sans être soi-même et s’ouvrir. Cela explique le succès qu’a eu le live de Samuel Etienne, dans lequel François Hollande était l’invité. Dès le début du stream, un consensus de vérité était de vigueur. C’est en cela que la plateforme diffère radicalement de la télévision. 

La guerre des médias ?

De là à lui faire concurrence? En septembre 2021, un scandale a éclaté au sein de la communauté Twitch. Alors qu’est retransmis le débat entre Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon sur BFMTV, des streamers animent et commentent l’émission de leur côté. Cela n’est pas du goût de la chaîne d’information qui bannit plus de trois comptes, parmi lesquels figurent les très connus Sardoche et Hugo Décrypte. Cela a entraîné de vives réactions sur Twitter, à tel point que Jean-Luc Mélenchon en a profité pour se positionner comme le défenseur des producteurs de contenus. 

 

 

Pour Sylvain Nocquard, qui a connu les débuts de la plus grande chaîne politique française sur Twitch, ces censures des nouvelles plateformes par la télévision ne datent pas d’hier. Pour autant, on ne peut pas parler de concurrence stricto sensu. Le petit écran et Twitch n’ont pas la même envergure et ne peuvent pas se substituer l’un à l’autre. 

Pas le paradis rêvé

Si Twitch peut rapprocher les jeunes de la politique, cette solution pose de multiples contraintes dont la première est le fameux “temps de cerveau disponible”. De quoi remettre en cause l’utilité et surtout le potentiel de Twitch. Ajoutez à cela le fait que ce réseau ne réunit pas une communauté aussi large qu’Instagram, Twitter ou encore YouTube, et cette plateforme n’est pas le paradis rêvé des politiques. “Je ne conseillerais pas cette plateforme à un candidat à la présidentielle de 2022”, nous avoue Sylvain Nocquard

Ceux qui relèveront le défi devront en tout cas respecter plusieurs règles simples : être soi-même, s’adapter à la communauté geek et à ses codes, éviter la mise en scène, les petites phrases et les paillettes. Un sacré challenge…