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Quand les marques s’engouffrent dans le « body positive »

Des marques comme Asos, Desigual, Missguided ou encore Fenty ont adopté une démarche “body positive” dans leurs campagnes publicitaires. Les mannequins de leurs campagnes publicitaires sont plus rondes, affichent fièrement leurs particularités (taches de rousseurs, vergetures, cheveux crépus…) et ressemblent de plus en plus à la femme « lambda » à laquelle on peut toutes s’identifier.

Ces démarches sont-elles sincères, durables ? Et sont-elles si récentes que cela ? Les réponses de Florence Touzé, responsable de la spécialisation Communication de marque à Audencia SciencesCom et co-titulaire de la chaire Responsabilité sociétale des entreprises à Audencia.

Les démarches de “body positive” (acceptation de soi) ont le vent en poupe. Constatez-vous que de plus en plus de marques s’engouffrent dans cette voie, dans le sillage de Dove, qui avait été une des premières marques à ouvrir la voie ?

En effet, Asos, Chantelle, Etam, et d’autres vont dans cette voie. Soit en communicant soit, encore plus concrètement, avec de nouvelles gammes plus souples, plus confortables, adaptées à toutes les morphologies, moins genrées. Elles vont à l’encontre des injonctions sociales (réelles et/ou ressenties) de minceur, de codes féminins classiques. Les matériaux techniques permettent aussi de nouvelles coupes. D’abord utilisées pour les vêtements de sport, elles intègrent de plus en plus les gammes mode et lingerie.

Les marques sont-elles vraiment sincères et engagées lorsqu’elles adoptent une telle démarche ? Comment différencier celles qui le font par opportunisme et celles pour qui cela correspond réellement à leur identité, leurs valeurs ?

C’est difficile à dire. Je crois qu’il y a à un moment une rencontre entre les attentes du public (mais pas tout le public), les propositions des stylistes et les analyses des services marketing. Le Body positive peut être une proposition sans être une profession de foi et engager toute l’entreprise. Des marques qui en feraient leur ADN seraient plus cohérentes, bien sûr.

Est-ce le plus important ? Ces nouvelles images traversent notre environnement. Elles contribuent à faire évoluer les codes et peut-être les mentalités en même temps. Créeront-elles de nouvelles injonctions ?Pourquoi les marques de prêt à porter semblent plus intéressées par “cette démarche d’acceptation de soi” que les marques de luxe, qui restent sur des codes très classiques dans leurs campagnes de communication (femmes aux corps longilignes, visages sans défauts…) ?

Vous faîtes sans doute référence à des marques de luxe « classiques » justement. Que dire des japonais qui ont depuis longtemps libéré le corps ? Issey Miyaké, Comme des garçons ? Ou des Belges comme Margiela ou Ann Demeulemeester ? En centrant leur travail sur les volumes et les matières, ils se sont émancipés des codes classiques du corps, facilitant ainsi le port à toutes les morphologies. Et il faut aussi faire référence à Gabrielle Chanel ! En devenant Coco, elle avait pour ambition de libérer la femme des carcans imposés par la mode de l’époque, les corsets et les robes longues, notamment.
C’est peut-être aujourd’hui que le luxe prend un peu de retard sur le sujet…

Étonnamment, cette tendance touche plus la mode destinée aux femmes que celle destinée aux hommes. Pourquoi selon vous ?

Parce que le vêtement masculin est depuis longtemps beaucoup moins contraignant pour le corps ! Tout simplement. Peu de peau apparente, peu de vêtements moulants, pas de baleine, pas de talon, pas de dentelle inconfortable, peu d’entrave au mouvement. Et moins d’injonctions sociales. C’est plus simple alors de vivre son corps dans ses vêtements. Mais pleins d’hommes vous diraient sans doute le contraire…