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Podcasts : nés pour durer ?

Le podcast natif, format radio produit exclusivement pour le web, vit une ascension fulgurante. Facile à produire, agréable à écouter, original et inventif, il réunit jeunes producteurs, médias traditionnels et grandes marques. Mais doit encore affiner son modèle pour perdurer.

« Le podcast libère de la dépendance aux écrans et fait le pari de l’imaginaire ». Cette définition a été énoncée à l’occasion du Paris Podcast Festival, premier festival dédié au podcast natif français et francophone, qui s’est tenu du 19 au 21 octobre dernier. Contraction des mots iPod et broadcast, il connaît un succès grandissant. Longtemps utilisé comme un simple moyen de rediffusion des émissions radio, ce format est de plus en plus « natif », c’est-à-dire produit exclusivement pour le web.

Les podcasts se multiplient depuis les années 2010 et les thématiques ne cessent de se diversifier : émissions de cuisine, débats politiques, enquêtes policières, fictions narratives, chroniques de développement personnel… Des talk-shows aux interviews en passant par des récits personnels ou des documentaires, le genre se révèle des plus variés. La richesse du format tient aussi à l’originalité des sujets abordés, souvent négligés par les médias traditionnels (développement personnel, sexualités, féminisme…).

Médias et marques s’en emparent

Signe de l’éclosion du format : la multiplication des studios entièrement dédiés à la création de podcasts comme Binge Audio ou BoxSons ainsi que des créateurs indépendants comme Nouvelle Ecoutes ou Louie Media. Même les médias traditionnels (ELLE, Vogue US, Les Echos, Grazia…) proposent aujourd’hui leurs propres émissions en podcast.

Pour les marques (Chanel, Birchbox), le podcast représente une nouvelle opportunité éditoriale. C’est un moyen innovant de capter à 100% l’attention des consommateurs, de les accompagner dans tous les moments de leur vie, d’engendrer de l’engagement autour de la marque et de véhiculer tout un imaginaire autour de celle-ci.

La magie de la radio, à la demande

Côté auditeurs, ce format entièrement gratuit plaît parce qu’il s’adapte à nos modes de vie et comble toutes les plages vides de notre emploi du temps : trajet en métro, en voiture ou à vélo, pendant des séances de sport, en préparant à manger, en faisant le ménage ou la vaisselle…. Contrairement à la vidéo, le son favorise notre imagination et notre concentration.

Comme la radio, le podcast offre un rapport intime et spécifique à l’information. Mais avec la liberté d’écoute et de réécoute en plus. « Il s’agit bien là de la création d’un nouvel usage et non pas la simple dérive de la radio. », assure Sandrine Treiner, directrice de France Culture, au micro de Frédéric Martel . Le podcast offre ainsi une fonction de « bibliothèque » de stockage : on peut retourner écouter un épisode, conseiller à quelqu’un de l’écouter même s’il a déjà été diffusé…

Un média plus authentique

Autre intérêt du podcast, favoriser le lien entre producteur et récepteur d’informations. Le « podcasteur » se sent proche des personnes qui l’écoutent car il développe en parallèle une communauté soudée et fidèle sur les réseaux sociaux. De leur côté, les auditeurs développent tout un imaginaire autour de lui, des histoires qu’il raconte, de sa voix et de ses expressions…

Dans une société dite « du zapping » et où la perception du réel n’est que superposition d’images en tous genres, il est curieux de voir naître un si grand intérêt pour un format du temps long, qui demande parfois beaucoup de concentration. Serait-ce un moyen de lutter contre notre quotidien qui va si vite ? De contrer les autres médias qui proposent des contenus renouvelés à la minute ?

Un référencement complexe

Reste que le format présente plusieurs faiblesses. Il peine à se démocratiser et à atteindre un public plus large, plus éclectique et plus diversifié : les sujets n’intéressent pas tout le monde et beaucoup de personnes ne le connaissent pas encore. Second problème : pour trouver un podcast, il faut le chercher, voire connaître le nom de l’émission recherchée à l’avance. Le référencement de ce nouveau type de contenu est complexe. La diffusion se fait donc surtout par bouche à oreille.

Le podcast n’a pas non plus de « business model » propre. Les moyens de financement sont divers : soit le podcast figure sur une plateforme dont l’accès est payant, soit de la publicité est éditorialisée au début du podcast, soit elle est présente au cours de l’émission (option très courante dans les podcasts américains).

Un futur Netflix du podcast ?

Pour l’instant, aucune plateforme d’hébergement et de distribution de podcast n’a créé d’algorithme suggérant à l’auditeur des nouveaux contenus en fonction de ceux qu’il a précédemment écoutés. Mais les choses pourraient changer.

Signe que le format a de l’avenir, l’ancien PDG de Radio France Mathieu Gallet lancera au printemps 2019 une plateforme d’écoutes sur abonnement du nom de Majelan. Son slogan ? « Découvrez, écoutez, recommencez ». La magie du podcast, en somme.

 

5 choses à savoir sur les podcasts :

  1. Le podcast ne date pas d’hier : c’est en Novembre 2002 qu’ARTE France lance ARTE Radio la première plateforme en ligne de « radio à la demande ».
  2. Selon une étude de Médiamétrie de Février 2018, en France environ 4 millions de personnes écoutent des podcasts chaque mois.
  3. L’audience des podcasts contraste avec celle de la radio : elle est plus jeune, plus diplômée et concentrée en région parisienne.
  4. De nombreux auteurs de podcasts… sont des femmes. Elles qui sont sous-représentées à la radio et dans les médias en général et à qui on coupe plus souvent la parole qu’aux hommes sur ces mêmes formats se sont emparés du genre. Parmi les plus connus : La Poudre de Lauren Bastide (13è au classement Apple de podcasts), Change ma vie de Clotilde Dusoulier (20è au classement), Le Gratin de Pauline Laigneau, Entre de Charlotte Pudlowski, Generation XX de Siham Jibril…
  5. A chaque addiction son petit nom : après le binge-watching apparaît le binge-listening… pour les accros au format.