IA : une chance ou une menace pour le journalisme ?
Sujet principal de la cinquième édition du Festival de l’Info Locale (FIL), l’IA cristallise l’attention de tous. Elle faisait l’objet d’un grand débat le 28 septembre dernier au Mediacampus de Nantes.
De gauche à droite : Nozha Boujemaa, Bruno Patino, Claude de Loupy et Gilles Van Kote lors du Grand Débat
Animé par Gilles Van Kote, directeur délégué à la relation aux lecteurs du journal le Monde, le thème du grand débat de cette cinquième édition du FIL touchait au futur du journalisme. Pour en parler, étaient invités Bruno Patino président d’Arte, Nozha Boujemaa directrice de recherche dans le domaine de l’IA et Claude de Loupy co-fondateur de la société Syllabs.
Si les invités ont tous une utilisation et un avis différents sur l’IA, ils s’accordent à dire que nous sommes encore loin de totalement appréhender cette technologie.
Mais l’IA, qu’est-ce que c’est ?
L’intelligence artificielle ou IA regroupe tout outil utilisé par une machine pour simuler l’intelligence humaine sur les sphères de la créativité ou du raisonnement. L’IA est utilisée dans le domaine de la médecine, mais également, et de plus en plus, dans les médias. Récemment, c’est la création de ChatGPT qui a ouvert l’IA au grand public, démarrant alors une révolution d’usage de l’outil.
Cependant, l’usage de l’IA n’est pas récent. Les premières utilisations de l’IA remontent à 1987, et on la retrouve aussi dans le quotidien des médias. C’est grâce à l’IA que nous avons les bulletins météo ou encore les résultats d’élections. Bruno Patino explique que l’IA est présente depuis longtemps dans la récolte et le traitement de l’information. Ce qui change, c’est qu’elle prend maintenant sa place dans la diffusion et création de l’information.
La réglementation comme mot d’ordre
Pour faire face à cette révolution d’usage, la réglementation est pour les quatre invités, la première chose à mettre en place pour une utilisation éthique et sécurisée de l’IA.
En permettant de passer de médias de masse à médias hyper personnalisés, les dérives de l’intelligence artificielle sont nombreuses. Répétition, non-fiabilité des sources, explosion des sites d’information au contenu généré par ChatGPT… La sphère de l’information pourrait être polluée par un surplus de contenus peu fiables.
Si la réglementation s’avère nécessaire, elle n’est pas pour autant simple à mettre en place. Pour Claude de Loupy, la première étape serait l’apparition d’une mention “généré par l’intelligence artificielle” sur chaque contenu généré par l’IA. La Commission Européenne et l’OCDE voudraient eux mettre en place une “IA de confiance”.
Responsabilité des journalistes
Les critères de transparence, robustesse, répétabilité et d’impact sur la planète sont au cœur de cette potentielle IA de confiance. La transparence touche à la traçabilité des informations et la capacité de l’IA à donner une réponse unique à une même question. Une réglementation plus stricte autour de ces principes assurerait une utilisation plus sûre et professionnelle de l’IA.
Mais la question de la confiance vient aussi toucher les journalistes dont la responsabilité augmente avec l’utilisation de l’IA. Ces derniers doivent d’autant plus vérifier la véracité de leurs sources et des informations qu’ils divulguent.
En modifiant les conditions de productions, l’IA générative accentuera la submersion de message auxquels nous sommes déjà confrontés.
Bruno Patino, entretien avec l’Opinion
Un outil « fabuleux et stupide »
Dans le cas du journalisme, l’intelligence artificielle permet déjà d’analyser des masses de données ou encore d’automatiser la production de contenus écrits ou audio. Bruno Patino considère ainsi l’IA comme un “enjeu extraordinaire” puisqu’elle pourrait par exemple permettre à Arte de traduire automatiquement leurs vidéos en plusieurs langues.
Claude de Loupy décrit quant à lui l’intelligence artificielle comme un outil à la fois “fabuleux et stupide”. Capable de créer des concepts, l’IA n’en reste pas moins artificielle et programmée à exécuter : elle crée sans distinction de l’information et de la désinformation. Là où l’IA est programmée pour donner un résultat qui tient la route, les journalistes ont, eux, le devoir de donner la vérité. C’est pourquoi les médias ont une responsabilité dans l’utilisation de cet outil vis-à-vis de leurs lecteurs, sous peine de perdre leur confiance.
Quel futur pour les rédactions ?
L’intelligence artificielle a le potentiel de remettre en cause le modèle actuel des médias. Avec l’intégration de l’IA dans les moteurs de recherche, les sites d’actualités doivent revoir comment fidéliser leur audience. Pourquoi cliquer sur un article si toute l’information de celui-ci est extraite directement par l’intelligence artificielle et accessible au lecteur par un autre biais ?
Cet accès illimité aux informations est d’ailleurs un vrai bouleversement dans la façon de faire des rédactions. Si l’information peut être partagée à tout le monde, que devient la question des sources et de l’origine de l’information ? Si l’information est confidentielle, comment la garder dans un réseau de confiance ? Comment s’assurer qu’elle reste dans les mains des professionnels ? Faudrait-il une IA spécialisée dans le partage d’informations ? Les rédactions devront-elles alors partager une base de données pour source ?
Bien qu’il n’y ait pas de réponses précises à cette problématique, le grand débat était l’occasion pour les festivaliers de profiter de l’expertise de nos quatre invités. Les premiers éléments de réflexion ouvrent de nouvelles questions sur l’utilisation, la réglementation ou encore les dérives liées à l’intelligence artificielle. Comment rendre l’IA et l’écologie compatibles ? Qu’est-ce que cet outil va changer aux formations des journalistes ?
Que ce soit pour le journalisme, l’éducation ou tout autre secteur, l’IA nécessitera une adaptation et une longue réflexion sur les menaces et les opportunités offertes par cet outil.
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