Décryptage

La Parisienne, un mythe indémodable au risque du cliché

Des séries aux marques en passant par la mode et le cinéma, la figure de La Parisienne imprègne notre imaginaire collectif.

Élégante, audacieuse, mondaine, naturelle, sophistiquée… Sans être trop ni pas assez, la Parisienne a ce je ne sais quoi qui réside plus dans l’attitude que dans la beauté. Chic et décontractée à la fois, elle est toujours à la mode sans appliquer toutes les tendances, elle chine en brocante, brunch le dimanche matin et boit des cafés en terrasse.


La Parisienne, plus qu’une silhouette, c’est un art de vivre. Elle a de l’esprit et du tact. Elle a l’art du « look effortless ». La Parisienne vit dans un Paris sans saleté, sans graffitis, sans soucis de transports. Elle déambule dans la ville de l’amour, de la mode et de l’élégance.

Un mythe ne datant pas d’hier

Depuis la fin du 18 e siècle, Paris est un lieu de création et d’innovation. Avec Rose Bertin, son « ministre de la mode », Marie-Antoinette souhaite échapper aux codes archaïques de la cour. Elle est à la recherche de modernité. La littérature participe aussi à la construction du mythe de la Parisienne. En 1761, Rousseau publie Julie ou La Nouvelle Héloïse : le personnage de Saint-Preux arrive à la capitale et décrit les Parisiennes comme étant « libres, romanesques, résistantes, élégantes »et déjà un peu arrogantes, puisqu’elles reprochent aux provinciales d’être nées en dehors de la capitale. « La mode domine les provinciales, mais les Parisiennes dominent la mode ».


Par ailleurs, les images telles que les gravures de mode et les peintures construisent également le personnage de la Parisienne, qui devient un réel sujet. C’est le cas de Manet et Renoir qui immortalisent en 1874 Henriette Henriot, une jeune actrice de 16 ans. Avec Coco Chanel, la Parisienne incarne une femme à la fois bourgeoise et garçonne émancipée, qui fume et porte des pantalons.


Aujourd’hui et depuis le début des années 2000, la réputation sulfureuse de la Parisienne semble avoir laissé place à un produit marketing qui reflète la gentrification de Paris.

Une image au service du marketing

Ces dernières années, la série Netflix Emily in Paris a reçu de nombreuses critiques sur la vision très romancée qu’elle donnait de Paris. Si Camille est l’archétype de la parisienne libérée, jolie et ingénue, Emily est quant à elle une véritable caricature, vivant à travers Instagram et ignorant tout de la réalité socio-économique de Paris. Emily in Paris, c’est aussi les cigarettes en guise de déjeuner, les relations extra-conjugales banalisées, les dîners clandestins dans la rue, le travail le week-end…


Depuis plusieurs décennies, la figure de la Parisienne est également utilisée dans la publicité, notamment pour les parfums. C’est le cas d’ Yves Saint Laurent et de son parfum La Parisienne, de Guerlain et La Petite Robe Noire, Givenchy et son parfum Live Irrésistible Givenchy avec Amanda Seyfried… Les femmes y sont alors séductrices, joueuses, désinvoltes, presque inaccessibles.


Certaines marques jouent entièrement sur ce mythe, tant au niveau des produits que de la communication. Sézane et Rouje, créées en 2013 et en 2016, ont construit toute leur image de marque sur la figure de la Parisienne, une femme élégante dans toutes les circonstances. Ces deux marques françaises de prêt-à-porter font d’ailleurs un tabac à l’international, notamment aux États-Unis.

Des figures clés

Catherine Deneuve, Charlotte Gainsbourg, Brigitte Bardot, Jane Birkin, Coco Chanel… Dans l’imaginaire collectif, ce sont toutes des femmes correspondant à cette femme libérée, audacieuse et élégante qu’est la Parisienne. Par ailleurs, le fantasme ne faiblit pas, de nombreuses créatrices de contenu adoptent cette image et renforcent alors le cliché. C’est le cas sur Instagram, avec Jeanne Damas, la fondatrice de Rouje, Melodie Bance ou encore Marielle Haon.

 

Un fantasme excluant

Si la Parisienne un mythe, un fantasme connu de tous, même à l’international, elle est tout sauf représentative de la femme parisienne du quotidien. Elle appartient à une certaine classe sociale, elle est souvent mince et blanche et a des activités nécessitant des moyens financiers.


Citadine élégante, la Parisienne peut être une figure excluante, ne laissant pas place à la diversité et à l’inclusion. Elle amène ce diktat selon lequel les femmes sont censées être belles tout en étant naturelles.


A l’avenir, le mythe de la Parisienne saura-t-il résister aux évolutions sociétales et à la remise en cause
des standards de beauté ?


Sans cesse réutilisée, la figure de la Parisienne n’est pas prête de disparaître. L’actrice Natalie Portman a d’ailleurs dit : « Je pense que toutes les filles du monde souhaitent être une fille parisienne, une sorte de confiance et de confort chic sans effort. »

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