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Nos données personnelles, un bien si précieux…

Et si nous vendions nos données ? Le 25 Janvier, le fondateur du Think-Thank très libéral Gaspard Koenig lance un pavé dans la mare en déclarant vouloir transformer les données personnelles en marchandises afin que les utilisateurs puissent les vendre comme n’importe quel bien.

L’idée a de quoi faire sourire, Gaspard Koenig, le fervent partisan du revenu universel, n’en démord pas. Vendre ses données personnelles est bel et bien réalisable dans un futur proche. Chaque année, un citoyen produit un nombre incalculable de données. Noms, prénoms, adresse postale, numéro de téléphone, numéro de sécurité sociale… autant d’informations que nous laissons tous vulgairement visibles sur le net lors d’une inscription, d’une déclaration ou autres démarches.

Bien conscient que la protection des données personnelles est devenu un enjeu majeur de sécurité numérique, le gouvernement français est en train de rénover la loi informatique et libertés de 1978, en intégrant le règlement européen sur la protection des données (REPD). D’après le syndicat professionnel Syntec Numérique, les entreprises françaises devraient dépenser près de 958 millions d’euros en logiciels ou prestations de services, pour respecter les normes imposées par ce nouveau règlement. 

 

Un système complexe… mais peu rentable pour le citoyen

Alors concrètement, comment se passe le traitement de la donnée personnelle sur Internet. Elle est tout d’abord récupérée par une plateforme internet quelconque. De ce fait, lorsqu’un usager s’inscrit sur une plateforme comme Facebook par exemple, cette dernière récupère les données personnelles de l’usager et les revend auprès des annonceurs, qui s’en servent pour développer leur ciblage. Et tout ça en spoliant complètement l’utilisateur, qui voit donc ses données personnelles garantir des revenus conséquents aux « GAFA » (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft).

 

 

Quelle est aujourd’hui la législation en matière de données personnelles ? La CNIL expose 5 principes clés. La personne en charge de collecter les données, qu’on appelle communément un responsable de traitement, doit avant tout prévenir de la finalité de l’utilisation des données personnelles de l’utilisateur. C’est en définissant clairement cet objectif, que le responsable de traitement va pouvoir exploiter les données personnelles d’un utilisateur, mais attention, il faut que ces mêmes données soient en cohérence avec la finalité recherchée. C’est ce que l’on appelle le critère de pertinence. Par exemple, nul besoin de donner son numéro de sécurité sociale pour inscrire son enfant à l’école ou à des activités périscolaires.

Une fois l’objectif atteint, le responsable de traitement doit s’engager à ne pas conserver les données personnelles et à les supprimer, suivant une durée préalablement définie. Il est également important de savoir qu’un utilisateur peut, à tout moment, exercer certains droits auprès du responsable de traitement, comme celui d’accéder à ses données, ou de les rectifier. Le responsable de traitement doit donc veiller à ce que ces opérations soient possibles. Enfin, il est important que celles-ci s’effectuent dans un cadre sécurisé.

 

Rémunérer les citoyens, une idée impossible ?

Gaspard Koenig en est persuadé : il faut rémunérer les citoyens lorsque ceux-ci acceptent de léguer leurs données personnelles aux GAFA. Il insiste sur le fait qu’il n’y aucune législation efficace pour protéger les données des français, ni même celles des européens.

 

Mais le créateur du Think-Thank « Génération Libre » va plus loin et propose même de taxer les GAFA sur les données qu’ils récupèrent, via la TVA. Cela règlerait, pour le philosophe, le problème de l’imposition des GAFA en Europe, dont la territorialité des activités numériques si complexe à définir.   Mais comment appliquer ce dispositif ? Aujourd’hui, il n’y a aucun droit de patrimonialité, autrement dit, nos données personnelles ne sont pas inclues dans notre patrimoine. Par conséquent, on ne peut pas les monétiser. Cependant, Gaspard Koenig affirme que certaines législations en place, notamment avec la loi Informatique et Liberté, qui rentrera en vigueur en Mai 2018, s’en rapproche. C’est le cas de la « portabilité des données » qui stipule que l’utilisateur peut transposer ses données d’un service à un autre, de manière automatique et simple d’exécution. Ainsi, le fondateur de « Génération Libre » entend créer ce droit de patrimonialité et assurer les échanges de données personnelles par la technologie Blockchain, que les amateurs de crypto-monnaies connaissent bien. L’un des avantages de ce système : passer outre le contrôle et la régulation des Etats.

 

Question philosophique

Au-delà des difficultés concrètes d’application, cette proposition soulève un problème beaucoup plus profond et sensible : faut-il vraiment tout monétiser ? Dans un avis remis en avril 2017, le Conseil National du Numérique pointait la dangerosité d’une telle option : « Elle remettrait en cause la nature même de cette protection pour les individus et la collectivité́ dans une société́ démocratique, puisque la logique de marchandisation s’oppose à celle d’un droit de la personnalité́ placé sur le terrain de la dignité humaine ».

Le sociologue et spécialiste des réseaux sociaux Antonio Casilli, au micro de France Culture, affirme de son côté que « nous ne sommes pas les auto-entrepreneurs de nos données, ni même les propriétaires. Nous sommes les travailleurs de nos données ». La théorie du droit de patrimonialité de M. Koenig ne fait pas que des adeptes…

 

Pour aller plus loin :

Gaspard Koenig contre « la monétisation des datas » par les GAFA – Quotidien

Gaspard Koenig : « Chaque citoyen doit pouvoir vendre ses données personnelles » – Les Echos

Les principes clés de la protection des données personnelles – CNIL