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Presse indépendante: le pari du qualitatif

Ces dernières années, de plus en plus de titres indépendants ont vu le jour sur internet, et même sur papier. Leur objectif : se démarquer de la presse « classique », détenue par quelques grands groupes, en misant sur un contenu original, susceptible de renouer le lien avec les lecteurs.

Seuls 5% des journaux français sont indépendants. C’est peu. Pas étonnant que les lecteurs émettent de plus en plus de doutes sur la qualité de l’information transmise par la presse dite « mainstream », qui appartient à une poignée de grands groupes industriels. Dans ce contexte, les nouveaux venus, sur le web comme sur le papier, mettent en avant un autre modèle éditorial. Leur credo : miser sur l’originalité pour recruter leurs abonnés.Ces médias indépendants revendiquent aller à l’encontre du modèle dominant de production d’information où la quantité prime sur la qualité. D’après la spécialiste des médias Julia Cagé, seule 40% de l’information produite quotidiennement en ligne est réellement originale. Le reste ne consiste qu’en du contenu dupliqué de site en site (l’information à tout prix, éditeur).

Des sujets riches et complexes

Loin de s’en tenir au flux continu de l’actualité ou de s’engouffrer dans des sujets facilement accrocheurs (faits divers, people), ces médias entendent proposer un travail d’investigation sur des sujets riches et complexes. Leur objectif : apporter une information à haute valeur ajoutée sur des faits de société. Quitte à prendre le temps. « On lance nos sujets bien en amont, parfois huit mois à l’avance, explique Amélie Mougey, co-fondatrice du Quatre Heures. On veut plonger le lecteur dans une histoire riche, longue et complexe. Comme s’il lisait une nouvelle ».

Créé en 2013, le Quatre Heures publie une fois par mois des reportages long-format sur son site. Immersion au cœur de la vie carcérale, état des lieux sur la violence conjugale en France, stages de masculinité, le site aborde tous ces sujets en misant sur des histoires fortes. « Le Quatre Heures est une utopie concrète, poursuit Amélie Mougey. Le grand et beau journalisme qu’on rêvait de faire ».      

 

Rendre service au lecteur

 A cette volonté de prendre le temps s’ajoute une attention particulière pour le lecteur. « C’est pour lui que nous enquêtons et écrivons. Et c’est à lui que nous devons rendre des comptes », confie Benjamin Peyrel, co-fondateur de Médiacités. Lancé en 2017 dans plusieurs grandes villes de France, ce média publie chaque semaine enquêtes et décryptages sur des sujets aussi variés que la présence de pesticides dans les cours d’eau, les dérives financières d’un grand opéra ou encore les citoyens hébergeant des migrants sous leur toit.

Ce site possède également une rubrique « Making of », permettant d’expliquer pourquoi et comment le journaliste a travaillé. Alors que la défiance vis-à-vis des médias traditionnels augmente, ces acteurs indépendants parient sur la transparence. Pour Benjamin Peyrel « Si la presse veut renouer avec son rôle démocratique, elle doit se rapprocher de ses lecteurs et, plus largement, des citoyens ».

Modèle économique

D’où l’organisation, pour le Quatre Heures, de rencontres mensuelles avec les lecteurs, à l’occasion de la parution de leurs enquêtes. Démarche similaire chez Médiacités qui organise des conférences publiques sur les thématiques traitées par ses journalistes. Le site ouvre également ses colonnes à des experts pour rédiger des tribunes et susciter le débat.

Reste à savoir si cette stratégie éditoriale permettra d’assurer leur pérennité. Si de plus en plus de médias indépendants revendiquent cette autre façon de travailler (L’imprévu qui revient sur desévénements oubliés, 8ème étage qui publie des reportages du bout du monde…), la question de leur rentabilité reste posée.Pour l’heure, la réussite éclatante de Médiapart peut laisser penser que le pari de l’investigation séduit les lecteurs. La récente campagne de financement participatif pour le futur magazine Ebdo (400 000 euros récoltés) prouve en tout cas que de plus en plus de citoyens sont prêts à payer pour s’informer autrement.

 

 

Brune de La Ferté