Audiovisuel

Mourir peut-il vraiment attendre pour les cinémas ?

La fréquentation des cinémas français a chuté de 70% cet été à cause de l’épidémie de Covid-19. En cause, les mesures sanitaires contraignantes, bien sûr, mais aussi l’absence de blockbusters. Point d’étape alors que la fermeture des salles se prolonge en ce début d’année 2021.

Dès janvier 2020, c’est-à-dire avant les effets de la pandémie, le cinéma français souffrait, réalisant son pire mois depuis 10 ans. Le mois de février n’a pas été meilleur, ce qui présageait déjà d’une mauvaise année. Le 14 mars, c’est la douche froide : tous les lieux non indispensables ferment, dont les salles obscures. Lors d’une interview accordée au Film Français, Richard Patry, le président de la Fédération nationale des cinémas français, redoutait que les spectateurs perdent l’habitude d’y aller : « Que vont-ils faire pendant tout ce temps ? Regarder Netflix, Disney + ou Amazon Prime Vidéo, et, donc, se déshabituer de nos salles… »

Alors que les cinémas avaient peu à peu rouvert leurs portes cet été, ils ont de nouveau été contraints de fermer en octobre dernier avec l’arrivée de la seconde vague épidémique, en France comme dans de nombreux pays (Canada, Espagne, Belgique, Italie…). La réouverture des salles espérée le 15 décembre n’a pas eu lieu, prolongeant à nouveau le désarrois des professionnels de la filière et des amoureux du grand écran.

Report de blockbusters

La recrudescence de l’épidémie combinée aux reports de sorties de blockbusters comme « James Bond : Mourir peut attendre » ou « Wonder Woman : 1984 » (déjà décalés une fois chacun) portent un coup de massue au monde du cinéma. Il se pose la question pour James Bond d’une sortie sur un diffuseur comme Netflix ou Amazon Prime à la place du cinéma. Car à chaque report, la Metro-Goldwyn-Mayer (qui détient les droits de James Bond) perd environ 50 millions de dollars. 

Toutefois, le prix demandé par MGM pour céder les droits de diffusion de ce nouvel opus est colossal. D’après Bloomberg News, il aurait été demandé 600 millions de dollars à Netflix ou Apple TV+, ce qui freine énormément les négociations. 

Tenet, un espoir déçu ?

Pendant cette épidémie, un seul blockbuster est sorti : « Tenet », de Christopher Nolan. Il a réalisé 300 millions de dollars de chiffre d’affaires, ce qui n’est pas suffisant pour être rentable, le budget de réalisation du film étant de 200 millions de dollars.

Selon le site EcranLarge, ce film à grand budget n’a réalisé pour l’instant que 50 millions de dollars de chiffre d’affaires sur le sol américain, soit trois fois moins que les deux derniers films de Nolan, « Interstellar » et « Dunkerque » au même stade d’exploitation. De plus, à cause de ses mauvais résultats, une suite initialement dans les cartons ne verra sans doute jamais le jour.

La question des tournages

Enfin, un autre problème va se poser à long terme pour les cinémas et studios, celui des tournages. Pour l’instant, grâce aux nombreux tests PCR réalisés par les acteurs et les techniciens, les films continuent à être réalisés. Mais pour quelle date de sortie ? 

La question se pose aussi pour ceux dont le tournage est tout juste terminé (comme Shang Chi, un nouveau Marvel, ou Uncharted, de Ruben Fleischer) puisqu’ils ne pourront pas sortir aux dates prévues initialement. Un souci qui ne se pose pas pour les films et séries produites par les services de streaming… 

L’emprise des plateformes

Les prévisions de la présidente de l’Union des producteurs de cinéma (UPC), Isabelle Madeleine, n’incitent pas à l’optimisme : la production de films devrait baisser d’environ 30 % pour 2020 et sans doute encore plus pour 2021 en cas de nouvelle fermeture des salles. Comme le constate La Croix, les plus grandes victimes de cette situation ne sont pas les films à gros budget mais plutôt le cinéma d’art et d’essai aux moyens plus limités. 

Pour la productrice Sidonie Dumas, interrogée dans ce journal, il faut très vite appliquer au cinéma la directive européenne sur les services médias audiovisuels qui veut faire participer davantage les plateformes de vidéo à la demande à la création européenne et française. « Elles se montrent en ce moment très agressives et achètent des films destinés aux salles car elles redoutent de manquer de contenus, alerte-t-elle. Elles sont en train de prendre le pas sur nos métiers, ce doit être pour nous tous une sonnette d’alarme »