Elon Musk : la communication originale du nouvel homme le plus riche au monde
Cet ingénieur sud-africain naturalisé aux Etats-Unis a su en l’espace de quelques années s’imposer comme un acteur majeur de l’astronautique et de l’automobile. Mais il est aussi un personnage singulier, excentrique et anti-conformiste, qui possède un rapport très particulier à la communication.
S’il y en a un qui commence bien l’année 2021, c’est Elon Musk ! Le 7 janvier dernier, il devient avec ses 188,5 milliards de dollars, l’homme le plus riche du monde, dépassant Jeff Bezos, le fondateur et patron d’Amazon. Un petit retour en arrière s’impose pour ceux qui aurait raté son ascension fulgurante.
« Dans cinq ans vous êtes morts »
Washington, 2006. Lors d’un congrès sur l’industrie spatiale, un jeune entrepreneur prénommé Elon Musk se tient devant les grandes têtes du secteur et leur annonce de but en blanc : « Dans cinq ans vous êtes morts ». Si à cette époque, ces derniers lui ont ri au nez, Elon Musk a finalement su tirer son épingle du jeu, comme il l’avait prédit. En effet, l’ingénieur de 49 ans est aujourd’hui à la tête de deux mastodontes industriels, SpaceX et Tesla Motors, fondés respectivement en 2002 et 2004. Il a su en l’espace de 20 ans s’imposer comme un acteur incontournable dans ces secteurs.
D’un côté, il invente la fusée partiellement réutilisable (le lanceur Falcon 9) qui, en se re-déposant sagement sur son socle après le décollage du satellite, permet des économies non négligeables à sa mise en orbite. De l’autre côté, il contribue à populariser l’automobile électrique auprès du grand public avec Tesla. Ces avancées technologiques ont importé dans les secteurs de l’astronautique et de l’automobile de nouvelles manières de faire qui ont conquis le grand public et sont désormais impossibles à ignorer pour les concurrents.
Une communication à part
Mais en plus d’être un innovateur et un entrepreneur hors pair, Elon Musk est un grand communicant et a su s’imposer comme une figure emblématique et caractérielle. Sa stratégie de communication est détonante et symptomatique d’une génération accro aux réseaux sociaux. Depuis ses débuts, la marque Tesla reste relativement éloignée des médias traditionnels. Au début de son activité, l’entreprise refusait même totalement les dispositifs de communication classiques comme les spots télévisés ou radio, les campagnes d’affichages et les encarts presse.
Au contraire, elle misait essentiellement sur une communication qui vient « d’elle-même », via son site internet, les réseaux sociaux corporate et ceux du fondateur. La stratégie de communication repose aussi beaucoup sur le spectacle : les grands événements organisés par les deux entreprises sont une manière non négligeable de se faire connaître et d’attirer l’attention.
Par exemple, le 30 mai 2020, le décollage de la fusée Falcon 9 portant sa capsule Crew Dragon dans l’espace signait le premier vol habité pour SpaceX. L’événement, qualifié d’« historique », a été le deuxième plus gros « livestream » de l’histoire de Youtube. On estime par ailleurs à 150 000 le nombre de personnes à s’être déplacées à proximité du site de lancement en Floride afin d’assister à l’événement en direct. Ce lancement a donc constitué un élément de communication on ne peut plus efficace.
Accro à Twitter… non sans risque
Mais c’est aussi à coup de tweets que la notoriété et l’image d’Elon Musk et de ses entreprises se sont construites. Moyen de communication privilégié du milliardaire, les réseaux sociaux lui permettent d’interagir directement avec sa communauté sans intermédiaire. Son compte twitter personnel fait partie intégrante de la communication de ses marques : il y est suivi par plus de 42 millions de personnes et tweete plusieurs fois par jour, à propos de ses entreprises ou d’opinions et événements plus personnels. Jusqu’à ce coup de théâtre du 2 février dernier avec ce post annonçant : « Off Twitter for a while »…
Off Twitter for a while
— Elon Musk (@elonmusk) February 2, 2021
Combien de temps Elon Musk aura-t-il tenu sans Twitter ? Deux jours seulement ! Le 4 février, le voila de retour sur son réseau favoris pour encenser le Dogecoin, une crypto-monnaie dont le cours en bourse s’envole immédiatement. Ce qu’il ne manquera pas de souligner d’un détournement redoutable inspiré… du Roi Lion. « Elon Musk, le plus puissant troll d’Internet ? » titrait Le Monde le 8 février 2021.
Dogecoin is the people’s crypto
— Elon Musk (@elonmusk) February 4, 2021
ur welcome pic.twitter.com/e2KF57KLxb
— Elon Musk (@elonmusk) February 4, 2021
Il faut dire que le côté éminemment intuitif et spontané d’une communication sur un compte personnel est à double tranchant. Cela peut se révéler dangereux, encore plus lorsque l’on est suivi par autant de personnes et que l’on est à la tête d’entreprises aussi puissantes. Elon Musk en a déjà fait les frais à plusieurs reprises. Le 7 aout 2018, il annonce en effet par un tweet sur son compte personnel qu’il pense retirer Tesla de la bourse. Résultat : une chute importante du cours des actions du constructeur automobile.
Une enquête de la SEC a en conséquence été ouverte et Musk a été condamné à verser une amende de 20 millions de dollars, tout comme Tesla. L’entreprise a également créé un comité ayant pour but de superviser les tweets d’Elon Musk, en particulier ceux susceptibles d’avoir une incidence sur le cours des actions de Tesla. Tout cela n’a pourtant pas empêché l’entrepreneur de récidiver puisqu’il publie en mai 2020 un tweet similaire, prétendant que le cours de l’action de Tesla était « trop élevé », le faisant ainsi chuter de 13%…
Fin des relations de presse chez Tesla
On peut avoir l’impression qu’Elon Musk est tellement fan des réseaux sociaux qu’il en oublie l’intérêt des moyens de communication traditionnels. En effet, en octobre 2020, l’entreprise Tesla a fait un choix étonnant et risqué pour sa communication : supprimer son département relations presse. Celles-ci permettent à une entreprise de nouer une relation de confiance avec les journalistes, intermédiaires majeurs de la transmission d’informations au public. En s’en débarrassant, Tesla affirme sa volonté de détachement total vis à vis des médias traditionnels et entend clamer haut et fort son indépendance.
Cette action résonne parfaitement avec la ligne de conduite d’Elon Musk et de son entreprise. Néanmoins, une décision aussi radicale n’est pas sans conséquence et sans risque pour la marque et son image. Des professionnels de la communication s’inquiètent et affirment qu’il s’agit là d’une grosse erreur, motivée par l’arrogance de l’entrepreneur. Les relations presse se révèlent en effet indispensables dans certains cas, en réponse à une situation de crise par exemple. Si les choses semblent pour le moment sous contrôle pour Tesla, elle n’est pas à l’abri d’imprévus et de faux pas (surtout avec l’imprévisibilité d’Elon Musk). En l’absence de professionnels des relations publiques et de contact avec la presse, les journalistes ne lui feront aucun cadeau…
Un personnage qu’on ne peut qu’aimer… ou détester.
En définitive, Elon Musk est avant tout un personnage. Ces choix de communication affirmés le montrent, il n’a pas le temps pour faire les choses à moitié, ni pour se conformer. Les modes d’emploi ? Très peu pour lui. Elon Musk crée ses propres règles du jeu. On le voit avec un acte qui a fait beaucoup parler : la naissance de son fils l’année passée et surtout le prénom qui lui a été donné : « X AE A XII ». Aussitôt la toile s’insurge, lui reprochant de tout faire pour se faire remarquer. Et on peut dire que ça marche… Gros coup de pub pour le milliardaire avec un acte apparemment privé et anodin (vraiment ?).
Autre coup de buzz étonnant : en septembre 2018, l’entrepreneur apparaît à l’occasion d’une interview diffusée en direct sur Youtube, joint dans une main, verre de whisky dans l’autre. En définitive, Elon Musk, malgré ses ambitions et sa fortune, semble refuser de se prendre au sérieux : il demeure un grand enfant… avec de grands pouvoirs. Un état d’esprit parfaitement résumé par une de ses initiatives : l’envoi en 2018 d’une voiture Tesla dans l’espace lors du lancement de la fusée Falcon Heavy. Un moyen de prouver ce dont SpaceX est capable, mais aussi de laisser une trace de notre civilisation, d’après l’entrepreneur. Le tout sur la chanson « Life on Mars » de David Bowie. Logique.