Football et médias, un couple tumultueux
Football et médias, un couple tumultueux
Alors que la guerre des diffuseurs de la Ligue de football professionnelle prend fin, la relation entre les médias et les clubs n’a jamais été aussi compliquée. À tel point que certains clubs, soucieux de maîtriser leur image et leur communication, sont de plus en plus tentés de créer leurs propres médias. Une réponse à certaines dérives médiatiques ou une atteinte à l’indépendance de la presse ?
L’affaire remonte à cinq ans mais elle avait fait du bruit autour du club tourangeau. Le 26 Juillet 2016 marque la reprise de la saison 2016-2017 de la Ligue 2 (seconde division du football française). Le Tours FC joue son premier match et déjà, une polémique éclate. Deux journalistes de la Nouvelle République venus au stade de la vallée du Cher, à Tours, pour couvrir la rencontre opposant le club local à l’AC Ajaccio se voient refuser l’entrée au stade. Le motif selon Jean-Marc Ettori, président du Tours FC : « Pendant 6 mois, ces deux journalistes de La Nouvelle République n’ont eu de cesse de salir le club ».
Avec @jezabrodsky (NR et syndic de presse), on est interdit d’entrer au stade pour #Tours FC – Ajaccio. #Ligue2 pic.twitter.com/xjBEB4M5j8
— Fred Launay (@LaunayFred) July 29, 2016
Une polémique pas si rare pour les fans de football habitués à ce genre d’invectives. La faute à un sport surmédiatisé et des enjeux d’image de plus en plus pesants. La faute, aussi, à certaines dérives de médias soucieux de vendre du papier en utilisant du contenu accrocheur et parfois réducteur. Le mensuel So Foot a carrément lancé une rubrique sur son site internet afin de détourner avec humour ce phénomène. On y retrouve par exemple des articles annonçant (Steeve) Mandanda gardien à l’Olympique de Marseille rejoindre le Stade Lavallois alors qu’il s’agit en réalité d’Over, son petit frère. De quoi semer la panique chez les supporters non avertis. Un élan d’humour qui cache en réalité une véritable course au buzz.
Vers des clubs gérés comme des médias
Lassés par ces polémiques et encouragés par la transformation numérique, certains clubs ont décidé de prendre en main leur image et de créer leur propre média. « Ils n’ont qu’une idée en tête, c’est que la tribune de presse soit gérée par leur propre service de communication plutôt que d’avoir des gens qui permettent à tous les médias d’être représentés et tous les médias de travailler en toute indépendance » regrettait en 2002 Jacques Marchand, président d’honneur de l’UJSF (Union des Journalistes Sportifs en France). Un enjeu parfaitement mis en lumière par les chercheurs Dominique Marchetti et Karim Souanef dans leur article La médiatisation du football : un jeu sous contrôle.
Citons par exemple PSG TV, la chaîne du club de la capitale, qui assure un contenu exclusif à ses abonnés. Les retransmissions des matchs le soir-même, des interviews exclusives, des reportages au cœur du groupe : une manière de gérer confortablement l’image des joueurs et du club auprès de ses propres supporters. De quoi se passer définitivement des journalistes sportifs ? Pas si sûr.
Médias et club : une nouvelle alliance publicitaire ?
La transformation numérique des médias laisse également la place à de nouvelles expériences entre médias et clubs. Citons celle du média Konbini, tourné vers un public jeune. Pour la saison 2020-2021, il a signé un contrat de sponsoring avec l’Olympique Lyonnais. Ce partenariat mettra en évidence le logo du média sur le maillot lyonnais tout au long de la saison mais pas que. « Plusieurs formats vidéo seront proposés sur Konbini Sports, notamment des interviews de joueurs, nous apprend le site La Réclame. Cela permettra d’en apprendre plus sur les différents membres de l’équipe. Cette collaboration est très bénéfique pour le média français, car elle permet d’accroître sa visibilité et d’élargir son audience au-delà de son propre site internet. » Un partenariat gagnant des deux côtés, certes, mais que se passerait-il si Konbini souhaitait poster un contenu critique sur le club rhodanien ?
Verra-t-on dans le futur une montée en puissance des relations économiques entre médias et clubs ou alors assisterons-nous à une augmentation acerbe des conflits entre deux stratégies opposées (information d’un côté, communication de l’autre) ? Une certitude, il va désormais falloir apprendre à faire la différence entre des médias traditionnels qui poursuivent leur mission d’informer (quitte à critiquer), d’autres qui sont dans une dérive « piège à clics» pour faire de l’audience, ceux qui s’allient avec les clubs (quitter à les encenser) et enfin des clubs qui créent leurs propres médias.