Alors que le secteur de la culture navigue dans l’incertitude la plus totale depuis un an et que les aides gouvernementales demeurent insuffisantes aux yeux de ses représentants, les médias audiovisuels s’emparent du sujet pour soutenir les artistes et assurer leur lisibilité.
En mars 2020, le premier confinement était annoncé en France et avec, la fermeture des lieux réunissant du public : salles de cinéma, théâtres, musées, salles de concerts… Cette annonce a marqué le début d’une période critique pour le secteur dont nous ne sommes malheureusement toujours pas sortis.
Cette situation inédite et imprévisible a donné lieu lors du premier confinement à de nouvelles manières de faire vivre la culture. Les cinémas ont été nombreux à proposer des festivals en streaming, les troupes de théâtre à proposer leur pièce en visio-conférence. La musique s’est même invitée sur les balcons, donnant lieu à des concerts étonnants. Si ces initiatives positives – presque poétiques – nous ont donné du baume au cœur pendant cette période morose, elles ne suffisent pas à compenser les pertes que les acteurs culturels accumulent depuis des mois.
La culture au second rang
En effet, sur l’ensemble de l’année 2020, le chiffre d’affaires de la projection cinématographique a reculé de 65%, celui du spectacle vivant de 46%. De leur côté les secteurs du livre, de l’audiovisuel et du cinéma (hors projection) sont en recul de 12% à 13%. Au total, on observe une perte de 32% depuis le début de la crise sanitaire pour l’ensemble des industries culturelles et créatives en France (source : EY pour France Creative, Janvier 2021).
Après un déconfinement source d’espoir en mai dernier et la réouverture de certains lieux culturels pendant l’été, les choses se sont de nouveau gâtées en octobre, lors de l’annonce d’un nouveau confinement en France. Retour à la case départ : targués de l’étiquette « non essentiels », les contenus culturels sont placés au second rang. Et les alternatives numériques, déjà largement exploitées pendant le premier confinement, commencent à montrer leurs limites.
« De la culture en boîte »
C’est dans ce contexte que la chaîne Culture Box a récemment été créée. Le groupe France Télévisions annonçait en janvier dernier le lancement d’une chaîne télévisée éphémère, entièrement dédiée à culture. Le but est de soutenir le secteur en attendant la réouverture des salles de spectacles. Par cette initiative, France Télévisions entend « reconnecter les artistes avec leur public et donner une exposition maximale à tous les arts » comme l’expliquait la directrice du groupe, Delphine Ernotte dans le journal Libération.
Culture Box est accessible, depuis le 1er février, sur le canal 19, laissé vacant par le départ de France Ô. Au programme : des spectacles, des concerts exclusifs, des rediffusions d’émissions culturelles ainsi qu’une émission quotidienne de 19h à 21h. Une bonne opportunité pour les adeptes de culture de redécouvrir la scène et le spectacle sous un nouvel angle, la proximité et le contact humain en moins.
Après plusieurs semaines de diffusion, la chaîne fait doucement sa place avec près de 26 millions de téléspectateurs pour le mois de février 2021. De toute évidence, ce type d’initiative ne remplacera pas l’expérience des salles de spectacles, mais nous pouvons nous réjouir que la télévision s’empare du sujet. C’est en tout cas ce qu’affirme un journaliste de Libération dans un papier dédié à la chaîne éphémère, titré avec humour : « Faute de spectacle, France télévision propose de la culture en boite. »
Capture d’écran du site de https://www.france.tv/spectacles-et-culture/
La radio monte le son
Mais France Télévisions n’est pas le seul média du service public à prendre ce type d’initiative : dans la même veine, Radio France a décidé d’augmenter de 25% le volume de musique sur ses antennes. C’est ce qu’annonçait la présidente et directrice générale du groupe, Sibyle Veil, dans un article publié par Libération en septembre 2020. Par cette prise de parole, Radio France entendait affirmer le « soutien du service public de la radio aux secteurs musical et culturel ». Une initiative loin d’être anodine sachant qu’ « un seul passage sur France Inter rapporte autant qu’un million de clics sur Spotify en droits d’auteur », comme le rappelait l’année passée dans Libération, Cléa Vincent, jeune artiste française.
Le média radio reste donc un soutien inconditionnel et solide pour les artistes, notamment quand ces derniers ne bénéficient plus des revenus des concerts et autres festivals. Cette initiative est aussi une occasion pour Radio France d’«affirmer sa responsabilité vis-à-vis des secteurs de la musique et de la culture » pour reprendre les termes de Sibyle Veil. Elle affirme aussi que la radio accorde une attention particulière à la promotion des jeunes artistes pour qui cette période est d’autant plus compliquée.
Le monde de la nuit à bout
Le groupe Radio France a également lancé L’HyperNuit, une opération inédite pour soutenir la scène française et les boîtes de nuit, autres grands perdants de cette crise sanitaire. L’HyperNuit s’est déroulée le samedi 23 janvier et consistait en la diffusion de musique en live pendant six heures simultanément sur cinq antennes : France Inter, France Bleu, France Musique, FIP et Le Mouv’.
Même si, de toute évidence, ces initiatives ne suffiront pas à faire sortir les acteurs de la culture de la crise qu’ils traversent, il s’agit d’initiatives fortes et symboliques qui témoignent du sentiment de responsabilité des médias nationaux envers le secteur. Il ne nous reste plus qu’à patienter jusqu’à la réouverture des lieux culturels pour pouvoir à nouveau faire vivre la culture de nous-mêmes…
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